Le village de Tende, niché à 850 mètres d'altitude dans la Haute Vallée de la Roya, département des Alpes-Maritimes (06), est situé au pied du col éponyme, qui culmine à 1871 mètres. Ce col est le passage des Alpes le moins élevé et le plus direct entre la Provence orientale et le Piémont. Depuis les temps les plus éloignés, le village de Tende a donc offert à ses habitants un travail considérable lié au transport des voyageurs et des marchandises, il fut même une étape incontournable sur la "Route du Sel", d'où la création d'une corporation de muletiers regroupés au sein d'une confrérie: la confrérie de saint Éloi, qui existe encore de nos jours.
Le manque de documents ne permet pas de connaître la date exacte de la fondation de cette confrérie. Le premier acte qui en fait état est une convention passée en 1737 entre les propriétaires d'un autel situé en la collégiale de Tende et "la Compagnia dei Mulatieri".
Mais dans un compte rendu du conseil municipal du 4 septembre 1491, on trouve une première information citant les muletiers de Tende au sujet d'un problème de péage de la gabelle (l'impôt perçu sur le sel). Nous avons déjà ainsi une idée de l'importance de l'activité des muletiers sur les transports de l'époque. Nous savons également que les ducs de Savoie, puis les rois de Sardaigne, avaient recours aux muletiers tendasques pour le transport de matériel militaire et de ravitaillement pour leurs troupes qui guerroyaient souvent de part et d'autre du col de Tende.
Plus tard, de 1777 à 1779, on a noté une moyenne de 46 000 mulets qui partaient de Nice pour franchir le fameux col. Parmi ces 46 000 bêtes, 16 000 étaient chargées de marchandises diverses, à savoir: bois, laitage, huile... et les 30 000 autres transportaient du sel.
Ce sel arrivait des salins de Camargue ou de Hyères à bord de navires qui accostaient dans les ports de Nice ou de Villefranche. Les précieux sacs étaient alors chargés à dos de mulets jusqu'à Tende, ville étape où l'on changeait de montures. En effet les mulets tendasques étaient réputés pour leur robustesse et leur force, car il fallait coûte que coûte franchir le col de Tende pour livrer la marchandise au Piémont, en Lombardie et même au-delà.
La plupart des habitants de Tende possédaient un voire plusieurs mulets. Leur richesse était bien entendu le transport de toutes ces marchandises. Quelquefois, il arrivait que des accidents, des attaques de brigands de grands chemins ou des maladies frappent les muletiers ou leurs bêtes, portant une atteinte grave à la survie des familles privées ainsi de ressources. D'où l'idée de se grouper pour organiser une entraide.
C'est ainsi qu'est née la confrérie des muletiers de Tende. En cas de besoin, les muletiers nécessiteux obtenaient des prêts à long terme à des taux très faibles, sans compter les secours divers, comme le prêt d'une bête le cas échéant.
Évidemment, cette confrérie ne pouvait être placée que sous la protection de saint Éloi, patron de tous les métiers touchant aux équidés, comme les cultivateurs, maréchaux-ferrants, charretiers, etc.
De nos jours, cette confrérie est toujours présente dans la vie tendasque. Les membres sont tous des descendants de vieilles familles tendasques. Leur motivation est de perpétuer cette fête de la Saint-Éloi devenue le symbole de la ville de Tende. Ils sont en quelque sorte les gardiens de cette tradition.
Chaque deuxième dimanche de juillet, ils s'investissent bénévolement dans l'organisation de cette fête séculaire. Grâce à leur volonté et leur dévouement, les mulets et chevaux (les mulets sont de plus en plus rares) sont revêtus de leurs plus belles parures comme autrefois et vont défiler, accompagnés de fanfares et de groupes folkloriques, dans les rues et ruelles du village avant de se regrouper sur le parvis de la magnifique collégiale du XVe siècle pour la traditionnelle bénédiction des mulets, avant de participer à la grande messe de la Saint-Éloi.